CHRONIQUE BOTANIQUE N° 46 : LE MAGNOLIA ÉTOILÉ AU PARC DE TESSÉ

Je traverse la Place des Quinconces en direction du Musée de Tessé. Cette esplanade date des années après la Révolution française. Auparavant l’endroit était occupé par les monastères des Jacobins et des Cordeliers ; et bien avant encore, il aurait même connu les premières habitations gauloises du Mans. Un haut lieu historique ! La place est strictement encadrée sur trois côtés de chemins droits et de talus plantés d’une manière rectiligne de hauts tilleuls. Au côté nord, le talus monte jusqu’à la rue de Paderborn, prenant la forme d’un jardin à l’anglaise avec de très vieux arbres. Comme souvent, les élèves du lycée Montesquieu, en cours d’EPS, s’entraînent sur ces pistes en-dessous des arbres et ce au rythme du sifflet de leur professeur.

Le magnolia étoilé au vent du printemps

Le magnolia étoilé au vent du printemps

Je traverse la Place des Quinconces en direction du Musée de Tessé. Cette esplanade date des années après la Révolution française. Auparavant l’endroit était occupé par les monastères des Jacobins et des Cordeliers ; et bien avant encore, il aurait même connu les premières habitations gauloises du Mans. Un haut lieu historique ! La place est strictement encadrée sur trois côtés de chemins droits et de talus plantés d’une manière rectiligne de hauts tilleuls. Au côté nord, le talus monte jusqu’à la rue de Paderborn, prenant la forme d’un jardin à l’anglaise avec de très vieux arbres. Comme souvent, les élèves du lycée Montesquieu, en cours d’EPS, s’entraînent sur ces pistes en-dessous des arbres et ce au rythme du sifflet de leur professeur.

Les élèves du Lycée Montesquieu pendant un cours d’endurance

Ce lieu boisé sur le flanc nord des Quinconces me donne toujours l’impression d’une avant-cour du parc du Musée de Tessé. Celui-ci aussi est très ancien et a connu bien des remaniements. Au 18° siècle, le jardin entourait le palais du Maréchal de Tessé, par ailleurs grand collectionneur d’art et dont une partie des œuvres se trouve toujours au Musée. Au 19° siècle, le palais du Maréchal fut remplacé par un palais épiscopal qui est aujourd’hui notre musée des Beaux-Arts. Le jardin s’appelle toujours Parc de Tessé ou Parc du Musée de Tessé, mais depuis longtemps il appartient à la ville, donc à nous tous.

Le parc de Tessé vu depuis l’escalier du musée

L’ancien palais possède côté jardin un très haut escalier sur lequel je monte pour jeter un coup d’œil sur l’ensemble du parc. Certes, on pourrait dire qu’il s’agit ici aussi d’un jardin à l’anglaise avec une répartition des végétaux très naturelle et harmonieuse : des hêtres pourpres magnifiquement élancés, de très hauts platanes, une grande variété de conifères précieux, des arbustes d’une taille étonnante : chaenomeles, forsythia, skimmia, daphné sont en fleurs en ce moment, et de grands gazons parmi lesquels serpentent des chemins de promenade. Grâce à cette végétation très ancienne, il règne en été une atmosphère fraîche et ombrageuse, très appréciée des visiteurs du musée qui peuvent ici terminer leur méditation artistique. Mais vu d’en haut de l’escalier, on remarque aussi que ce style anglais est rompu au centre par un bassin très géométrique qui en outre est coupé en deux par un très grand cube qui s’avère être un sablier, une œuvre d’art nommé « le temps imparti / solstice ». Nous devons nous remémorer que nous sommes dans le parc de notre musée et le musée doit pouvoir continuer à exposer hors des murs ! En observant les gens, je constate que le sablier les incite à la discussion, plus qu’à l’intérieur du musée...

Le Sablier

Le créateur Jean-Bernard Métais est originaire du Mans et possède une renommée mondiale. Cette œuvre a d’abord été exposée temporairement au Jardin des Plantes à Paris pour le passage du millénaire. En l’an 2002, la ville du Mans l’a acquise, mais elle ne fut installée au parc de Tessé qu’en 2008 et « mise en route » au solstice de juin 2009. En effet, l’œuvre a un fonctionnement programmé. Elle possède deux niveaux : au solstice de juin et de décembre une masse de 28 tonnes de sable est remontée au niveau supérieur et mise en forme conique. Un miroir couvrant le plafond reflète l’image du cône qui va diminuer en s’écoulant vers le niveau inférieur par 118 buses et ce de manière cyclique et différemment à chaque étape. Malheureusement je n’ai jamais pu assister à une séance d’écoulement, je suis toujours venue trop tôt ou trop tard ! Mais je peux admirer la progression des images formées par le sable. Chacun de nous est appelé à trouver son paysage poétique dans les figures produites par le sablier. Je ne peux qu’encourager chacun de prendre son temps et s’y projeter. C’est précisément la volonté de l’artiste. Un arrêt sur image, une réflexion sur le moment présent où nous nous trouvons. Cela peut être rassurant, mais aussi intrigant...

Je ne sais pas si la décision des responsables d’acquérir cette œuvre est en relation avec un des plus célèbres tableaux du musée. Nous y trouvons un sablier en compagnie d’un crâne et d’une tulipe qui se fane ; il s’agit de « la vanité » de Philippe de Champaigne. Le sablier qui symbolise l’écoulement du temps nous rappelle que notre temps est bien limité sur terre...

Magnolia x loebneri « Merrill », un très bel arbre au parc de Tessé

Pour toutes les fleurs aussi le temps imparti s’écoule très vite et tout spécialement pendant le printemps de cette année, où un vent froid les secoue sans arrêt. Le gazon autour du magnolia est couvert de pétales blancs. J’ai choisi de décrire ce jeune arbre, une des dernières plantations du parc, faite en 2014 dans les environs du sablier. C’est un magnolia étoilé. Son obtenteur, le directeur du parc botanique de Dresden, Max Löbner, a croisé au début du 20°siècle deux espèces japonaises, magnolia kobus et magnolia stellata pour créer cet hybride. M.kobus est presque un magnolia à fleurs de tulipe, et M.stellata a, comme le dit son nom, des fleurs ressemblant à des étoiles, composées de multiples pétales rubanés. Les deux espèces sont spontanées au Japon, possédant un feuillage caduc, ils supportent de basses températures et même un sol calcaire. M.x loebneri a tiré profit des deux parents, il reste étoilé mais avec bien moins de pétales (6 à 9, un chiffre courant chez la plupart des magnolias). Il hérite d’une très jolie forme arborescente conique et d’une résistance aux maladies à toute épreuve. Il possède ici deux troncs lisses de couleur grise. Les basses branches peuvent être marcottées au printemps.

Les fleurs du magnolia x loebneri « Merrill »

Ce petit arbre au parc de Tessé semble danser, tant le vent joue avec les pétales de ses fleurs. Celles-ci sont blanches avec un trait violet à l’extérieur. Le fond des étamines et du gynécée (ensemble des carpelles) est marqué de la même couleur. La fleur est comme vissée au bout d’une tige. Le nombre de ses pétales n’est pas stable. On remarque de tout petits pétales parmi les étamines. Il en est de même pour les sépales absents, parfois de petits pétales les remplacent. Quelques feuilles sortent du même bourgeon que les fleurs. Le bourgeon, avant de s‘ouvrir, est allongé et gainé d’une peau grise très velue. Quand les pétales sont tombés, l’ensemble des étamines dominé par des carpelles forme une deuxième décoration qui fait penser à un cône de conifère. Ces observations témoignent en majorité d’une plante dite primitive.

Gynécée et étamines après la chute des pétales, comme vissés sur le bout d’une tige, accompagnés d’une feuille

Le nom « magnolia » fut donné en honneur de Pierre Magnol, professeur de botanique à Montpellier au 17°siècle.  La famille des magnolias (magnoliaceae) est riche de 12 genres et 2 sous-genres qui se divisent en 200 espèces. Le genre magnolia seul compte 80 espèces, en grande majorité faciles à croiser entre elles, ce qui a conduit à des milliers d’hybrides, pour ne pas compter les cultivars des pépiniéristes. Il est difficile de suivre l’histoire de ces plantes depuis qu’elles sont arrivées en Europe de l’Amérique du Nord pour les persistantes et de Chine et du Japon pour la plupart des caducs aux 17° et 18°siècles.

 Si on veut planter un magnolia, on doit savoir qu’il y a trois grands groupes : 1) les magnolias à feuilles persistantes 2) les magnolias à fleurs de tulipe et 3) les magnolias étoilés ; les deux derniers groupes sont à feuilles caduques. Ils fleurissent en été pour les persistants, les caducs couvrent une époque de mars à septembre. Puis il y a la couleur et des détails floraux  à choisir : le magnolia peut-être blanc, violet, jaune, crème, avoir des étamines et carpelles très variés, des traits violet sur les pétales, des parfums discrets ou enivrants, des fruits décoratifs.

Un magnolia à fleurs de tulipe au parc de Verdigné, mars 2021

J’ai souvent lu et entendu que le magnolia fut la première plante à fleur sur notre terre, donc la première angiosperme, plante qui met à l’abri ses graines. J’ai essayé de vérifier cette affirmation. Les scientifiques semblent avoir progressé, même si la recherche sur les plantes nées à l’ère secondaire est difficile. Ils démontrent qu’il y a eu un chemin très long vers les angiospermes. C’est très probablement d’abord chez les plantes herbacées que se sont développées les premières étamines et carpelles. À l’aide de fossiles, une plante nommée Archaefructus sinensis a pu être reconstituée.* Le magnolia reste cependant parmi les plantes à fleur très anciennes, dites primitives. Les chercheurs ont trouvé ses feuilles fossilisées dans des roches datant du jurassique en Nubie, ce qui prouve qu’il est contemporain des dinosaures. Ces derniers ont disparus dans la catastrophe du crétacé tandis que le magnolia a survécu comme d’autres plantes qu’on a déjà étudiées ici, par exemple le ginkgo biloba et l’araucaria. (CB 36 et CB 24). Des fossiles trouvés dans des roches autour de Paris prouvent que le magnolia était présent en Europe dans l’ère tertiaire. Il est à supposer qu’il n’a pas survécu aux grandes glaciations du quaternaire. Donc il fallait le faire revenir des États-Unis et de l’Asie de Sud-Est aux temps modernes.

*À l’origine des Plantes ; 1er chapitre par Phillipe Gerrienne, aux éditions Fayard

Magnolia grandiflora, ce persistant au Square Dubois fleurit en été

Pour terminer ma chronique, je voudrais vous parler de la ville de Nantes qui voue une véritable passion aux magnolias. L’ancien directeur technique des espaces verts de Nantes, Roland Jancel, a tenu le pari d’en faire la plante emblématique de sa ville.

En 1711, l’armateur et négociant nantais René Darquistade, passionné de botanique, rapporte d’un grand voyage en Louisiane le premier magnolia grandiflora appelé alors  « laurier tulipier » à Paimboeuf. Trois cents ans plus tard, en 2011, Nantes fête cet événement avec une nouvelle collection de 650 taxons de magnolias qui peuvent être visités au parc de la Beaujoire. Ce sont en majorité des espèces caduques.

Roland Jancel a co-écrit avec la journaliste Corinne Langlois la première monographie sur le magnolia : « MAGNOLIA-Arbre venu du nouveau monde », aux éditions Privat. Sur l’aventure de la ville de Nantes et ses magnolias, on peut trouver un article très complet dans la revue « Hommes et Plantes » de l’été 2007.

***

SOLUTION DE LA DEVINETTE 45

Les feuilles d’acanthe poussent parmi les hellébores de Corse et vont certainement fleurir d’ici quelques semaines.

DEVINETTE 46

Ce grand et vigoureux arbuste pousse au parc de Tessé, près de la porte vers la rue du Dr Delaunay. J’ai déjà utilisé cette plante –ses clones mâles– dans un autre jeu.

Précédent
Précédent

CHRONIQUE BOTANIQUE N°47 : LES POMMIERS SAUVAGES AU PARC DE L’OSERAIE A ROUILLON

Suivant
Suivant

CHRONIQUE BOTANIQUE N°44 : LE HOUX, UNE PLANTE POUR FÊTER NOËL