CHRONIQUE BOTANIQUE N°47 : LES POMMIERS SAUVAGES AU PARC DE L’OSERAIE A ROUILLON
Pour atteindre le but de notre promenade, nous allons emprunter la rue du Pavé qui débute en face de l’église St Pavin, puis son prolongement, la rue de Beaugé. Après de multiples entreprises et ronds-points, nous arrivons à un panneau qui nous indique sur le côté gauche le Parc de l’Oseraie. Nous voilà déjà sur la commune de Rouillon. Avant 2001 nous pouvions voir ici des champs très en pente, creusés en leur milieu d’un talweg, d’une sorte de grosse rigole dans laquelle les eaux se précipitaient à chaque orage ou période de grandes pluies vers le fond du vallon pour y remplir un grand fossé. Souvent ce fossé débordait et les eaux inondaient tous les terrains des alentours, ainsi que la route de Rouillon qui se dirige vers les Ardriers.
Les services techniques de Le Mans Métropole, conscients du problème, décidèrent alors la construction de bassins de rétention pour maîtriser ces eaux de pluie venant de zones d’activités, de l’université et des nouveaux quartiers attenants. Cet ouvrage technique aurait pu être sans âme ni intérêt esthétique. Quelle chance que l’idée écologique se soit imposée ! On fit appel à l’entreprise Phytolab de Nantes, représentée par M. Loic Mareschal, le paysagiste concepteur chef du projet. Il proposa d’insérer des bassins de rétention d’un volume de 30 000 m3 dans le milieu naturel, suivant le talweg existant, tout en transformant ces champs en pente en un vaste parc pour la promenade. Entouré de fermes, le parc ne devait cependant pas nuire aux activités agricoles. Le concepteur inclut bien dans ses plans la possibilité de faire traverser le parc par un troupeau de vaches !
Le nivellement du nouvel espace vert fut entièrement creusé et remodelé par un travail de déblais/remblais. Ceci consistait à créer un relief étagé et dénivelé contrairement aux anciens champs. Outre la bonne articulation hydraulique des 5 bassins, le paysagiste créa différents niveaux de plantation, chacun ayant son degré d’humidité propre. Il s’agit de terrains argileux dans lesquels l’eau ne s’infiltre guère ; néanmoins les espaces inférieurs, près des bassins ont été transformés en prés humides ou marécages dans lesquels se plaisent toutes sortes d’arbres de notre région.
Les bassins, de formes très différentes, se suivent en cascade. Entre eux, des digues déversoirs en gabions sont posées de manière transversale pour régler l’écoulement d’un plan à l’autre. Quand le flux d’eau reste modeste, il passe sous les digues. C’est seulement en cas de débordement lors de fortes pluies que les digues déversoirs freinent efficacement l’eau. Les bassins ne fonctionnent pas seulement en cascade, ceux du milieu reçoivent aussi directement des eaux du bassin versant depuis l’Est. Le système associe donc « cascade » et « indépendance » des bassins.
Le dernier bassin, celui de la décantation, est étanche et ce n’est que lors des débordements que l’eau s’écoule vers le Chaumard, un ruisseau et affluent direct de la Sarthe. Le bassin sert surtout à la sédimentation des particules fines et au stockage de pollution en cas d’accident.
Un problème important d’urbanisme du Mans était enfin résolu ! Le résultat est une excellente leçon d’écologie. La population profite d’un nouveau parc de promenade, les habitants riverains et les agriculteurs sont à l’abri d’inondations, la route entre Rouillon et les Ardriers reste toujours ouverte à la circulation.
Le projet a reçu le prix « des Victoires du Paysage avec la mention … « d’avoir transformé un ouvrage à vocation hydraulique et technique en un espace récréatif ». En outre, la promenade fait maintenant partie de notre Boulevard Nature.
17 ans sont passés depuis la fin des travaux et l’ouvrage hydraulique s’est totalement intégré dans la nature. S’il n’y avait pas les digues déversoirs qui restent très visibles, les bassins pourraient être pris pour une série d’étangs qui se suivent. Deux espèces de vivaces, les carex pendula et iris pseudoacorus avaient été plantées dans l’eau ou au bord de l’eau et couvrent maintenant de grandes surfaces. D’autres plantes sauvages se sont réinstallées toutes seules. 38 espèces d’arbres et d’arbustes ont été plantées selon leur humidité de préférence. Très près de l’eau : des saules, aulnes, bouleaux, chênes des marais et ce qui est très étonnant : des cyprès chauves, une espèce qui vient des marécages de la Louisiane … sur des talus et collines en plusieurs rangées droites, presque comme dans un parc à la française : les érables champêtres, érables sycomores, alisiers torminaux, charmes, merisiers, châtaigniers, frênes… d’autres encore dans des haies champêtres, limitrophes des propriétés privées : des houx, lilas, troènes, cornouillers, amélanchiers, merisiers … et des pommiers sauvages ou décoratifs…
Certains arbustes ne vivent pas longtemps. Mme Frey, ancienne maire de Rouillon qui a accompagné les gros travaux du parc comme les plantations par l’entreprise horticole Tutoup de Rennes, a observé que les lilas fleurissaient très abondamment pendant les premières années et sont maintenant en train de péricliter. M.Mareschal m’a confié la liste des noms botaniques de toutes les espèces qu’il a choisies à l’époque. Je l’ajouterai à la fin de mon texte et ceux d’entre vous qui seront tentés de se livrer à une sorte de chasse au trésor, peuvent se munir de la liste pour tester leurs connaissances tout en faisant une belle promenade.
J’ai beaucoup de retard dans la description de ma plante préférée de ce lieu, le pommier sauvage, malus sylvestris de la famille des rosacées. J’aurais dû le faire voici trois semaines quand les malus du parc étaient en pleine floraison, fin avril. Les fleurs apparaissent en même temps que les feuilles et sont très difficiles à distinguer des fleurs de nos pommiers domestiques. Elles sortent par grappes sur de longs pédoncules. Les boutons sont rouges, la fleur déployée par contre est blanche, ce qui fait un merveilleux contraste. La fleur a cinq pétales assez étalés, des étamines nombreuses et trois à cinq styles. La fleur est très mellifère, bien qu’autofertilisante. Les feuilles sont souvent rondes sur les rejets en bas de l’arbre, plus pointues en haut et un peu velues sur l’envers et le pétiole.
Cette année le temps pour admirer le spectacle des fleurs au parc est passé. Mais c’est un arbre décoratif par deux fois. Je peux vous recommander une promenade en automne quand ses fruits rouges illuminent le parc. Au mois de mai les petits fruits sont en train de se former, ils vont grossir jusqu’à 3 cm de diamètre. Ils sont d’abord jaune-orange, avec des taches de plus en plus rouges pendant l’automne. Cette fois-ci ils attirent les oiseaux. La petite pomme possède cinq loges ovariennes dont chacune contient deux pépins. Ces petits fruits ne sont pas comestibles car extrêmement âpres. Pourtant ils servent parfois à la fabrication du cidre, on les ajoute après la fermentation des pommes à cidre comme une sorte d’épice.
Le malus sylvestris européen peut atteindre les 10 m, sa couronne est large, ronde et ramifiée. Souvent il porte des épines. L’écorce est d’abord grise et lisse, marquée de lignes horizontales ; le vieil arbre au contraire possède une écorce brune et éclatée en écailles. Il pousse au bord des forêts humides ou comme ici dans les haies. L’arbre est également cultivé pour servir de porte-greffe aux pommiers domestiques.
Le genre malus compte 25 espèces de pommier répandues dans la zone tempérée de l’hémisphère Nord. Etant donné que la pomme reste notre fruit le plus consommé, nous savons qu’il y a une infinitude de croisements horticoles, moins cependant pour les espèces sauvages et décoratives. Grâce à la liste botanique, je sais qu’il y a effectivement des malus sylvestris dans le parc, mais la plupart des petits pommiers dans la haie sont une variété horticole nommée malus Evereste. Il s’agit du pommier décoratif le plus spectaculaire, le plus solide, le plus résistant contre les parasites et le meilleur pollinisateur dans les vergers, le plus apprécié des oiseaux. Son nom semble faire référence à la montagne célèbre s’il n’y avait pas le e final ! Il est une création amusante de son obtenteur Luc Decourtye : EVE pour la première femme dans la bible et dont on connaît les problèmes avec sa pomme, puis RESTE pour les petits fruits rouges qui restent en effet durant presque tout l’hiver sur l’arbre.
J’ai basé mon récit sur le témoignage des deux personnes les plus impliquées dans le projet du parc : Mme Frey, la Maire de Rouillon et le concepteur chef M.Loic Mareschal. Mais je lance ici un appel à tous les riverains, promeneurs, habitants de Rouillon qui ont aussi suivi d’une manière ou d’une autre cette construction. Envoyez-moi vos commentaires, vos observations, vos histoires pour compléter mon texte. Vous trouverez mon adresse mail après la devinette 47.
SOLUTION DE LA DEVINETTE 46
Il s’agissait d’un très vieil arbuste de skimmia au parc de Tessé. Aujourd’hui on trouve plus fréquemment le skimmia /clone mâle, très parfumé.
DEVINETTE 46