CHRONIQUE BOTANIQUE N° 56 LE SAULE BLANC ET LES HAIES SAUVAGES AU PARC DE LA CIGOGNE

Je vous préviens tout de suite : Vous n’allez pas voir de cigognes dans ce parc, toutes sortes d’autres oiseaux de notre région, mais pas de cigognes. Le nom est prometteur, mais il a été donné à ce parc d’après une de ses parties nommée ainsi au cadastre : Cigogne. Je suis allée aux archives départementales pour en savoir plus. Déjà aux alentours de l’an 1200 ce nom existait  ici: la« Petite Cigogne » était située à proximité du chemin de Degré ; il s’agissait d’un bordage (petite ferme dans le Maine) sur le territoire de la paroisse Saint-Pavin- des-Champs et de deux bordages sur celui de la paroisse du Pré. En revanche, il n’existe aucun texte témoignant de cigognes en ce lieu. Mais nous pouvons  tout à fait imaginer que le nom prouve  leur présence à cette époque, car il s’agissait de terrains humides. Celui qui a eu la possibilité d’observer des cigognes sait qu’elles aiment les marécages, tourbières ou prairies humides qui assurent leur nourriture préférée, les grenouilles.

 Plan du cadastre actuel du parc tripartite

Depuis le temps des bordages, la ville du Mans s’est beaucoup élargie. Pendant la seconde moitié du 20°siècle lesdits territoires ont vu naître et grandir l’Université, des quartiers d’habitation et la clinique du Pré à proximité. Après être descendu du tram à la station Hautes-Venelles/Clinique du Pré, tournez au rond-point  dans la rue Charles Fabry. Au bout de 300 m, à droite et à gauche  s’étend sur 10 ha le parc de la Cigogne,  créé en 2004 et traversé par le Boulevard Nature. Le parc s’étend  tout en longueur sur plus d’un km d’Ouest en Est et est coupé en trois parties par des routes. La plus grande surface, la moitié à peu près, se trouve dans le quartier Robin -des- Bois ; les Hautes Venelles et le terrain nommé Cigogne en détiennent chacun un quart. Si on n’est pas prévenu, on peut très facilement ignorer le dernier, tellement il est caché et coupé des deux autres. Les trois parties possèdent une topographie assez similaire: ce sont des prairies humides, aujourd’hui drainées, situées dans des vallons et collectant l’eau de pluie.  Avant le drainage, un petit cours d’eau traversait les terrains.  Le parc tout entier descend en pente douce d’Ouest en Est. Ainsi l’eau ruisselle d’une partie du parc à l’autre et arrive dans le grand bassin du terrain Cigogne. Une partie de cette eau de pluie s’infiltre sur place, le reste disparaît dans un énorme conduit souterrain qui passe sous la rocade et aboutit à la station d’épuration  de la Chauvinière. Les trois terrains forment donc, plutôt qu’un véritable parc, une coulée verte d’eau pluviale qui protège les quartiers attenants d’inondations tout en leur offrant un beau morceau de nature sauvage.

Le terrain Cigogne avec une installation de sport

La photo montre le milieu du terrain Cigogne avec son bassin de rétention où les saules blancs et marsaults  se sont regroupés en profitant de l’humidité. Cette partie du parc est un vaste quadrilatère bien caché par de hauts arbres sur trois côtés.  Le quatrième côté reste ouvert vers la rocade et en reçoit le bruit et le mouvement de la circulation. Bien que l’endroit ait bénéficié à sa création des mêmes éléments, chemins et arbres, qu’on le soigne de la même façon  que les deux autres parties, il est encore loin d’avoir leur charme. Et pourtant il a même reçu des installations sportives : on peut y jouer au basket-ball et au ping-pong. Un chemin rond fait le bonheur des petits cyclistes. Pour pallier la nudité du terrain, la Nature en Ville a établi un programme très précis de reboisement afin de clore aussi vite que possible le côté nu vers la rocade.  

La structure initiale de l’ensemble du parc

Passons dans la deuxième partie du parc, les Hautes Venelles. La photo donne une idée de la structure du parc : le chemin de promenade pour piétons et vélos est bordé d’une ancienne haie de grands chênes et d’arbustes indigènes d’un côté et d’un alignement de frênes de l’autre et ceci sur toute la longueur unissant ainsi les trois parties. Cependant cet alignement est mis en question aujourd’hui pour sa monotonie. Un recepage de plusieurs sujets est envisagé pour créer un aspect plus naturel. Une partie de la haie aux Venelles et son intégralité côté Robin -des-Bois ont été également plantées à la création de parc. Seule la partie Robin-des Bois possède aussi un petit chemin du côté opposé qui permet d’en faire le tour tout en respectant l’intimité des habitants.



Un chemin transversal

A partir des frênes, le terrain descend dans un vaste vallon couvert de hautes herbes sèches et lumineuses, de temps en temps interrompues par quelques plantes plus colorées. Renoncer à tondre régulièrement, faucher seulement en fin de saison est un parti pris des jardiniers responsables. La surface de ces graminées est très claire ; elle reflète le soleil et fait ainsi descendre la température au sol. Celui-ci garde donc l’humidité par grande chaleur, un point important pour que la biodiversité puisse se maintenir ou même progresser. De grands saules s’élèvent majestueusement, répartis sur toute la surface du vallon, se détachant de l’écrin que forment ces graminées. Pour traverser la mer des herbes des chemins transversaux ont été tracés. De cette façon, riverains ou promeneurs peuvent les prendre à vélo ou à pied et facilement atteindre  leur domicile ou observer mieux la nature.


Petit chat au bord de la rigole attendant sa proie 

Un escalier nous amène vers une rigole bétonnée dans laquelle coule  très doucement un fil d’eau. Nous sommes à la fin du mois d’août. Le reste de l’année cependant l’eau s’y précipite  vers le terrain Cigogne. Voilà un autre point que les responsables d’aujourd’hui auraient installé avec plus de naturel et d’efficacité. Un petit chat attend sa proie au bord de la rigole. Osera-t-il s’attaquer  à des ragondins qui vivent ici et qui sont presque de la même taille que lui ? A plusieurs endroits la rigole est munie de grilles pour retenir des déchets, des branches, feuilles et plantes que l’eau entraîne.


Le Saule Blanc

Prenons un moment pour observer le saule blanc, salix alba. Il fait partie de la famille des salicacées à laquelle appartiennent aussi les peupliers. Comme ces derniers, le saule aime les endroits frais et humides. Il peut atteindre 25 à 30 m de hauteur. Sa cime est arrondie et bien étalée.  Il s’agit d’une plante dioïque, il y a donc des arbres mâles et femelles. On peut les distinguer au moment de la floraison et de la fructification, car ils portent des chatons différents. En juin les fruits en forme de capsules s’ouvrent pour laisser partir les graines attachées à des poils soyeux que le vent  porte loin. On compte 30 espèces de saules en France et 300 dans le monde. L’identification d’une variété de saule blanc est difficile à faire avec précision, car il s’hybride très facilement.

Chatons mâles à droite et femelles  à gauche du saule blanc (illustration de la Flore Bonnier)

Les feuilles sortent en même temps que les chatons, mesurant de 6 à 15 cm. Elles sont de forme lancéolée,  finement dentées, vert foncé, légèrement argentées sur leur face supérieure, très argentées et tapissées de poils argentés sur leur face inférieure, ce qui donne cet aspect argenté à l’arbre et pour lequel on l’appelle aussi saule argenté. Le feuillage est idéal pour éclaircir un endroit. L’écorce des grands arbres est  très fissurée. Au 20° siècle encore le saule blanc a joué un grand rôle dans la fabrication de l’aspirine. En effet, la sève et l’écorce sont riches en acide salicylique. Même si l’aspirine est produite aujourd’hui par synthèse, les substances actives du saule sont toujours utilisées en cosmétique pour leurs bienfaits antibactériens et anti-inflammatoires. Une autre caractéristique du saule est sa possibilité de se bouturer facilement. Dans certaines régions les petites branches très flexibles sont produites sur des saules tétards ou trognes. Elles sont employées pour les plessis de plates-bandes ou pour créer des haies. De même, ces branchages sont utilisés pour tresser des corbeilles, abat-jours ou d’autres objets ; on parle alors de l’osier blanc. La blancheur du bois est spécialement appréciée pour des sculptures ou encore pour la fabrication des meubles. Le saule blanc ou argenté est nommé dans certain régions aussi aubier ou encore vivier, ce qui exprime sa vitalité : dans la culture tibétaine il est appelé « arbre de vie »

La belle végétation au vallon Robin- des-Bois

Il nous reste à découvrir la troisième partie du parc. Un troisième vallon  avec sa prairie  semi-humide apparaît, ainsi que la mer des graminées sèches. Il y a plus de fleurs et grandes herbacées ici témoignant de plus d’humidité encore. Les grandes berces sont déjà sèches et ravissantes par leurs formes graphiques. Aux saules blancs s’ajoutent ici beaucoup de saules marsaults (de grands arbustes aux feuilles ovales argentées), un certain nombre d’aulnes et de jeunes peupliers et trembles, ainsi que de vieux chênes. Comme dans la partie précédente, une aire de jeu a été installée pour des jeunes enfants.   

Un pommier à petits fruits fait partie de la haie fertile

Mon intérêt se fixe sur la haie qui protège l’intimité des riverains dans laquelle pousse une plus grande variété d’arbustes horticoles. Si on trouvait aux Venelles  des néfliers, prunelliers, noisetiers,  troènes, aubépines et cornouillers sanguins très anciens, ainsi que beaucoup de ronces, la haie créée en 2004 est enrichie d’une bourdaine, de cornouillers aux beaux fruits, d’aubépines avec de magnifiques cenelles, de châtaigniers, houx, sorbiers des oiseleurs, de sureaux, merisiers et de pommiers à petits fruits. La richesse immense de tous ces fruits profitera aux oiseaux et à toutes les petites bêtes qui vivent dans cette biodiversité. Dommage que les cigognes ne fassent plus partie de ce bel endroit! 


SOLUTION DE LA DEVINETTE 55

Il s’agit d’une liane du jardin des simples que Jocelyne, la responsable des lieux a ramenée du Maroc : pandorea jasminoïdes de la famille des bignoniaceae.


PROMENADE  DANS LE PARC DE LA CIGOGNE

(1) cynorrhodon, (2) cenelles, (3) châtaignes, (4) fruits du cornouiller rouge, (5) noisettes, (6) prunelles, (7) nèfles, (8) fruits de la bourdaine.

Faites la promenade du parc en amenant la mosaïque suivante des fruits que j’ai nommés dans la chronique. Vous pouvez aussi faire la promenade au printemps. Cependant, la plupart des fleurs de ces arbustes ou arbres seront blanches. Bien reconnaître les feuilles sera alors un défi. Bonne chance !

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