CHRONIQUE BOTANIQUE N°51 LE KOELREUTERIA DANS L’EXTENSION DU PARC VICTOR HUGO
Les Chroniques Botaniques sont toutes conçues,
rédigées et imagées par Maren GRABER
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Photo : Inflorescences, feuilles et fruits du koelreuteria
Pour celui qui prend fréquemment en voiture la rue Victor Hugo, un long suspense se termine. En roulant ou étant arrêté au feu de la rue Chanzy, on assistait un bref instant à des spectacles dramatiques : tout d’abord à l’abattage de deux magnifiques cèdres centenaires sur le parking de la cité administrative, suivi quelque temps après de la démolition du bâtiment disgracieux de la cité elle-même, puis à la mise à nu des blockhaus de la seconde guerre mondiale (ceux-ci avaient été cachés dans le bâtiment). Au milieu des immenses tas de débris, les blockhaus semblaient avoir survécu à un bombardement fatal. La perte des cèdres aussi fut douloureuse, surtout pour les habitants de la rue Victor Hugo ! Un jardinier que j’ai interrogé à ce sujet me disait qu’ils étaient devenus dangereux ; par deux fois de grandes branches étaient tombées sur le trottoir, ce qui aurait pu coûter la vie à des passants. Mais très certainement les cèdres étaient gênants pour tous ces grands travaux qui devraient suivre ! J’aimerais savoir comment on aurait pu les sauver ? On garde les blockhaus de 80 ans, certes, mais ces grands arbres vénérables appartenaient aussi à notre héritage et plus encore, ils aidaient au refroidissement de notre atmosphère et supprimaient du CO2! Quelle contradiction au moment même où l’on préconise de laisser en place n’importe quelle petite plante sauvage sur les trottoirs de notre ville !
Photo : Le blockhaus pris d’assaut par la nature
Et le suspense alors ? Quel rôle devrait jouer dorénavant les blockhaus ? Peut-être disparaîtraient-ils à nouveau dans un bâtiment, un gymnase pour le Collège Berthelot par exemple, ou trouverait-on un moyen pour les détruire complètement ? Des mois de suspense pendant lesquels les débris du chantier de démolition diminuaient peu à peu, mais les vestiges de la deuxième guerre restaient. Nous aurions dû nous arrêter pour lire le panneau explicatif du Conseil Régional qui est toujours en place sur le blockhaus : les travaux désormais accomplis, visaient trois projets : « l’aménagement d’un plateau sportif pour le Collège Berthelot, une extension du parc Victor Hugo et la valorisation du patrimoine historique. »
Photo : Le plateau sportif du collège Berthelot dissimulant le blockhaus
Ce « patrimoine historique » me pèse en tant qu’Allemande et ancien professeur d’allemand. J’ai toujours eu un problème avec ces traces du nazisme. J’aurais voulu tant les faire disparaître, et surtout celles au bord de la mer ! Je faisais rire mes élèves avec l’idée d’obliger les Allemands à nettoyer les plages de ces horreurs. On pourrait me reprocher de vouloir nier les faits historiques, ce qui n’est évidemment pas le cas. C’est leur laideur effrayante qui me trouble, il suffit de regarder combien « les bunkers » (c’est leur vrai nom) font tache dans leur environnement de la rue Chanzy !
Mais je retourne vite dans mon monde végétal : heureusement les créateurs du nouveau jardin (extension du parc Victor Hugo) ont bien maîtrisé le problème ! Nous pouvons espérer que dans quelque temps la nature aura pris possession du lieu et couvert la laideur. Sur la plus grande partie des murs on a mis différentes espèces de lierres à grimper. Côté collège, tout un réseau de fils d’acier a été installé pour aider les plantes à prendre d’assaut la construction. Devant la façade, côté rue, de magnifiques acers japonais aux feuillages variés ont été plantés, ainsi que des troènes près de la grille. Le côté du plateau sportif a reçu une pergola entre les deux blockhaus. Elle attire le regard et fait ainsi oublier le béton. Elle permet également aux professeurs d’EPS de réunir leurs élèves à l’abri du soleil pendant les explications. Le fond de la pergola est fermé par un placard portant des équipements sportifs nécessaires. De part et d’autre de la pergola des sortes de petites tribunes à trois gradins sont installées pour les spectateurs du jeu. Le dernier gradin est occupé par des végétaux. De belles grilles noires complètent l’ensemble, ainsi que deux arbres qui donneront de l’ombre sur le plateau. Quel beau travail d’intégration et de dissimulation. On ne pouvait pas espérer mieux !
Photo : Un ancien portail de l’Abbaye de la Visitation ouvert sur le nouveau parc
Veuillez entrer et découvrir ce nouveau parc ! L’ancien portail magnifique venant de l’Abbaye de la Visitation est grand ouvert. Il complète la grille qui a remplacé un simple mur et qui continue l’enclos déjà existant autour de la partie ancienne du parc. Comme la végétation nouvellement installée n’est pas encore très développée, les chemins et tracés des parterres sautent aux yeux. Ils semblent reprendre les formes et la couleur des blockhaus, tout en l’intégrant. A deux endroits les chemins sont complétés par des tonnelles en métal et avec un mobilier inspiré de la partie ancienne du parc, en bois et métal.
Photo : Tonnelle recevant jasmin, clématite et akébie
Trois plantes ont été utilisées pour couvrir les tonnelles : la clématite d’Armand (clematis armandii) fleurira très tôt dans l’année, elle possède un feuillage persistant et couvrant ; l’akébie (akebia quinata Rosea) d’un feuillage semi-persistant et aux petites fleurs roses printanières ; et le jasmin blanc d’Espagne (jasminum grandiflorum) de croissance très rapide et pouvant monter à 10 m si on lui donne un bon soutien. Il fleurira pendant tout l’été. Ces trois lianes sont bien odorantes et feront le plaisir des visiteurs. Il est très intéressant de voir que les paysagistes ont renoncé aux traditionnelles roses pour les tonnelles. Au parc Monod, ils ont encore choisi des roses qui n’arrivent jamais à couvrir entièrement la structure. Donc ici il s’agit clairement d’une stratégie comptant avec le réchauffement climatique.
Photo : Le choix des nouveaux arbres
La photo nous montre de nombreux parterres en forme d’ilots ronds ou arrondis, plus au moins surélevés, ondulés ou plats, portant du gazon ou bien des arbustes et vivaces bien paillés. Selon la taille des parterres, on y a planté un ou plusieurs arbres pour compléter le patrimoine des grands arbres existants dans la partie ancienne du parc.
Ce choix est extrêmement intéressant et même très pédagogique. Dans quelque temps, après l’enracinement des arbres, les professeurs pourront amener leurs élèves ici pour un cours dans la nature. Les élèves reconnaîtront facilement les hêtres, charmes et merisiers communs, les érables planes, mais ils pourront aussi découvrir que dans les familles de ces arbres il existe des espèces très différentes, venues des quatre coins du monde.
Photo : L’arbre de Judée pourpre, un des arbres venus des quatre coins du monde
Admirons le charme houblon ( ostrya carpinifolia) venant des montagnes d’Europe centrale et méditerranéenne, un cousin du charme, appelé aussi l’ostryer ; le chêne à feuilles de saule (quercus phellos) venant de l’Amérique du Nord ; le chêne blanc (quercus alba) originaire du Québec ; le hêtre austral (nothofagus antarctica) venant du Chili ou d’Argentine et qui est près de la famille des Fagacées; les érables japonais devant les blockhaus (acer jopanicum). Il y a également le faux orme de Sibérie (zelkova carpinifolia) venu du Causase et cousin de l’orme ; l’ arbre de Judée pourpre (cercis canadensis) du Sud de l’Europe ; le noisetier de Byzance (corylus colurna) originaire de l’Europe de l’Est et qui est un vrai arbre; le parrotia de Perse Vanessa (parrotia persica) venant de l’Iran et « last but not least » le savonnier (koelreuteria paniculata) venant de Chine et de Corée.
Photo : Le savonnier, l’arbre phare du nouveau jardin
J’ai réservé la description de cet arbre phare pour la fin de la chronique. Il est en effet l’élément dominant de cette nouvelle création. Il a été planté tout autour de la grille et le long du blockhaus, dix fois en tout. Il prendra beaucoup de volume dans les années à venir, parce qu’il s’agit ici plutôt de buissons à plusieurs troncs, multicaules. L’arbre est déjà très répandu dans notre ville et très apprécié. Il est admirable pour tout : son feuillage, ses grosses panicules de petites fleurs dorées et puis pour les fruits en forme de lanternes qui reprennent la panicule de l’inflorescence. Il ne connaît aucun prédateur et aime presque tous les sols, bref, il se plaît dans tous les jardins, même les petits, car il ne dépassera pas les 10 m et donne une note très exotique. En Chine et en Corée il est très apprécié pour ses capacités nettoyantes. On fabrique avec l’écorce et les graines un savon naturel, d’où son nom vernaculaire de savonnier. Il appartient à la famille des Sapindacées dont tous les genres contiennent de la saponine.
Photo 9 : Des panicules du koelreuteria dépassant la grille
Les feuilles sont très grandes, pennées, de 7 à 15 folioles ovales, dentelées ou crénelées. Elles sortent au printemps de couleur bronze, puis deviennent vert foncé, puis jaune en automne. Les panicules de fleurs peuvent mesurer jusqu’à 30 cm et dureront quelques semaines, puis elles sont suivies de leurs fruits de couleur d’abord bronze, puis verte, ensuite brune et en desséchant même brun foncé. Les capsules contiennent trois valves dans lesquelles se développent les graines. Ces bouquets de fruits perdurent tout l’hiver sur l’arbre, certains y tiennent encore pendant le nouveau printemps. Ceci a été le cas sur le seul savonnier dans l’ancien parc.
Photo : Capsules desséchées de l’année passée avec leurs graines et semis spontanés
Le jardinier présent m’a coupé quelques restes de ces bouquets. Certaines graines étaient encore accrochées à leur valve, d’autres en revanche avaient déjà germé en-dessous de l’arbre. L’espèce semble être extrêmement fertile. D’ailleurs dans certaines parties du globe, le savonnier est considéré comme plante invasive. Ceci ne risque pas être le cas dans notre parc. Il faudrait cependant retirer régulièrement les semis naturel pour ne pas rendre invisible la beauté de ces arbres.
Je n’ai pas eu la place de parler ici de la partie ancienne du parc qui est bien plus grande que la nouvelle. Elle compte 13000 m2 tandis que la nouvelle partie n’ajoute que 2500 m2. Elle paraîtra moins grande quand la végétation aura poussé. Nous pouvons dire que son intégration dans l’ancien parc est très réussie. Je consacrerai une chronique à l’ancien parc Victor Hugo au printemps prochain pour mettre en valeur quelques arbustes remarquables. Nous pourrions alors en même temps faire un premier constat sur la reprise du nouveau jardin.
SOLUTION DE LA DEVINETTE 50
Il s’agissait d’une spirée très précoce (spirea x arguta) aux toutes petites fleurs.
DEVINETTE 51
Quelle est cette inflorescence d’arbuste, blanche au fond rouge ? L’arbuste a été planté une vingtaine de fois dans les parterres du nouveau jardin.