CHRONIQUE BOTANIQUE N°60 : LE PARCOURS DES DROITS DE L’ENFANT À L’ARCHE DE LA NATURE

Le tulipier de Virginie au bord de l’Huisne

Aujourd’hui je vous propose un parcours au bord de l’Huisne, un parcours de 10 arbres qui ont été plantés par des enfants, voici une quinzaine d’années. Ces arbres sont ainsi devenus porteurs d’un message très important, sur les Droits de l’Enfant. La Jeune Chambre Économique était à l’initiative de cette manifestation. Les 10 textes apposés auprès des arbres sont un condensé des 54 articles des Droits de l’Enfant qui ont été proclamés par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 20 novembre 1989. Certains arbres de la première plantation sont morts et ont été remplacés par des espèces plus résistantes dans ce milieu de prairie humide.

 

Les feuilles automnales des 10 arbres : tulipier de Virginie, chêne des marais (trois fois), érable du Canada, bouleau blanc, orme Lutèce, chêne pédonculé, cyprès chauve, alisier torminal).

Pour attirer notre regard, les responsables de l’Arche de la Nature ont récemment changé la présentation du parcours. Les panneaux sur lesquels sont inscrits les droits sont rouges et chaque arbre est marqué d’un signe, inspiré par le matériel se trouvant dans la trousse d’un écolier : règle, surligneur, crayons de couleur, crayon avec gomme, stylo bic multicolore, pinceau rond ou plat, et tout cela d’une hauteur d’un mètre et demi. Cette idée sympathique met en évidence l’article 7 qui exige des droits à l’éducation et aux loisirs. Les arbres ont été plantés par des enfants pour penser à tous les enfants du monde et surtout à ceux dont l’enfance est malheureuse, qui vivent sous les bombes, qui ont faim et soif tous les jours, qui n’ont pas de maison et vivent dans la rue, qui doivent travailler pour nourrir leurs familles comme s’ils étaient des adultes, qui donc ne peuvent pas aller à l’école, ni jouer, qui sont en fuite à travers les mers et les montagnes parce que le climat est déjà insupportable chez eux, qui sont malmenés par leurs propres parents, vendus parfois pour trimer dans les plantations ou forcés de manipuler des armes à la guerre (on les nomme les enfants soldats)…..Beaucoup d’associations essaient depuis des décennies de les aider, mais les malheurs renaissent sans cesse et les droits exigés en 1989 restent toujours un but lointain.  

 

L’Abbaye de L’Épau

Nous partons de l’Abbaye de l’Épau, traversons le barrage de l’Épau, puis nous faisons quelques pas en direction de la Maison de l’Eau. Au bord de l’Huisne sur une grande pelouse a été planté le premier témoin du Parcours des Droits de l’Enfant, un tulipier de Virginie splendide. Le panneau a été fixé très haut dans les branches. Les arbres de si bonne santé sont nos meilleurs alliés dans la lutte contre le réchauffement climatique et ils défendent ainsi les enfants directement, pas seulement symboliquement, en portant un panneau avec un de leurs droits. Il est donc normal que les enfants et nous tous faisions connaissance avec les arbres.

 

Le tulipier de Virginie (liriodendron tulipifera)

 

ARTICLE 1 : L’ENFANT A LE DROIT À L’ÉGALITÉ SANS DISTINCTION OU DISCRIMINATION FONDÉES SUR LA RACE, LA RELIGION, L’ORIGINE ET LE SEXE.

Le tulipier de Virginie est un arbre qui a été souvent planté au Mans ces dernières décennies et qui se plaît chez nous. Pour admirer davantage ses belles fleurs en forme de tulipes jaunes et orange au milieu d’une masse de feuilles chatoyantes au mois de mai, rendez vous sur le quai Louis Blanc, près du parc Monod et à l’arboretum de l’Arche de la Nature.

 

Le chêne des marais (quercus palustris)

Cette photo nous montre juste le tronc craquelé du chêne des marais d’une quinzaine d’années, ainsi que quelques branches retombantes. En effet, il a été planté dans un terrain très humide qu’il apprécie spécialement. Il est entouré de bardanes sèches, de ronces, d’orties et de saules marsaults. C’est un arbre d’Amérique du Nord qu’on trouve souvent dans des zones inondables des rivières. Le panneau avec l’article 2 est bien lisible, ainsi que son signe, le grand crayon rouge.

 

L’érable canadien (acer rubrum)

Nous retraversons le barrage et nous nous engageons dans le chemin vers la Ferme de la Prairie. Sur le côté droit, nous trouvons le 3° arbre, un érable canadien, emblème de Rhode Island.

ARTICLE 3 : L’ENFANT A LE DROIT À UN NOM,  LE DROIT D’ACQUÉRIR LA NATIONALITÉ ET DANS LA MESURE DU POSSIBLE LE DROIT DE CONNAÎTRE SES PARENTS ET D’ÊTRE ÉLEVÉ PAR EUX.

Cet érable est originaire de l’Est du Canada et souvent planté comme arbre d’ornement pour son magnifique feuillage rouge vif en automne. Sur ma photo, son rouge se détache des peupliers verts. Ses feuilles ressemblent plus à celles d’un liquidambar, serrées et profondément découpées, qu’à nos érables planes ou sycomores. Son bois souple sert à fabriquer des meubles ou du papier. On peut aussi en extraire du sirop d’érable, cependant de moins bonne qualité que de l’érable de sucre.

Le bouleau blanc (betula alba ou pendula)

 

ARTICLE 4 : L’ENFANT A LE DROIT À UNE ALIMENTATION SAINE, À UN LOGEMENT ET DES SOINS MÉDICAUX.

Notre quatrième arbre a grand besoin de lumière, ce qui lui a été gracieusement accordé sur cette pelouse naturelle au bord de l’Huisne. Il préfère les lisières à la pleine forêt. Mis à part cette nécessité, il est peu exigeant, il peut pousser en sol humide ou sec, riche ou pauvre. Il résiste à de très basses températures telles que celles de la Sibérie. Nous le trouvons aussi bien dans les tourbières que dans les landes ou dans les jachères, ses courtes racines se contentent de peu. Il possède un joli port très léger et son écorce blanche lui donne un aspect élégant.

Le second chêne des marais (quercus palustris)

Voici le deuxième chêne des marais planté par les enfants. Il pousse également au milieu d’orties. Nous pouvons admirer sa belle forme en boule avec le bout du tronc qui dépasse, penchant sur le côté. Ce dernier aspect lui donne une allure ludique, espiègle. Il a déjà presque perdu toutes ses feuilles, ce qui nous permet de bien observer ses branches qui partent à l’horizontale dans tous les sens autour de l’arbre. Il est très jeune, son tronc est encore tout lisse.

L’orme lutèce (ulmus « nanguen »)

 

ARTICLE 6 : L’ENFANT A LE DROIT À L’AMOUR, À LA COMPRÉHENSION ET À LA PROTECTION

J’ai déjà dit que l’arbre est un protecteur des enfants et du genre humain en général. Mais cet arbre N°6, l’orme, a subi une extinction presque complète (sauf pour l’orme pédonculé) pendant les années 1960 à 1980. Un champignon parasite, le graphium ulmi, a provoqué la maladie. Il était propagé par un petit insecte, le scolyte, qui creuse des galeries dans l’écorce des ormes. La perte de ces magnifiques arbres a incité les chercheurs à trouver un hybride solide. Il a fallu un croisement de six variétés françaises, d’une anglaise et d’une chinoise pour arriver à ce nouvel arbre résistant à la graphiose qui a été planté ici par les enfants. Pour comprendre son nom  mystérieux« Lutèce », il faut savoir que les services des parcs et jardins de Paris ont ainsi été remerciés pour l’avoir testé.    

 

Le chêne pédonculé (quercus pedunculata ou quercus robur)

 

ARTICLE 7 : L’ENFANT A LE DROIT À UNE ÉDUCATION GRATUITE, À DES ACTIVITÉS RÉCRÉATIVES ET À DES LOISIRS.

Le chêne pédonculé appartient aux plus anciens arbres de l’Europe. Il faisait partie des immenses chênaies qui couvraient notre continent entre 8000 à 6000 années avant notre ère. Nous possédons dans la Sarthe, dans la forêt de Bercé, des chênes qui culminent à 50 m de hauteur. Certains ont été choisis pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Et même la Ferme de la Prairie est entourée d’immenses chênes aux robustes branches torturées. C’est l’arbre emblématique de notre région. Son nom provient  des inflorescences femelles qui se trouvent sur un long pédoncule, suivis de fruits, les glands dont se nourrissent beaucoup de bêtes sauvages.

3° chêne des marais (quercus palustris)

 

ARTICLE 8 : L’ENFANT DOIT EN TOUTE CIRCONSTANCE ÊTRE PARMI LES PREMIERS À RECEVOIR PROTECTION ET SECOURS.

Voici le 3° chêne des marais planté par les enfants. Si vous avez remarqué un grand A sur ces ustensiles scolaires, il s’agit là de la signature de l’Arche de la Nature. Cet arbre aussi pousse au milieu d’une colonie d’orties, ce qui est d’ailleurs un signe bio-indicateur que le sol est riche en azote et frais, il ne dessèche pas en profondeur en été. Ses feuilles, très différentes des rondeurs du chêne pédonculé, sont lobées d’une manière angulaire, pointue et très irrégulière. Le chêne des marais peut être confondu avec le chêne rouge, originaire, lui  aussi, de l’Amérique du Nord. Mais les feuilles de ce dernier sont plus grandes et il est sujet à la maladie de l’encre. Jusqu’ici le chêne des marais est très résistant. On le trouve ces derniers temps souvent en alignement.

Le cyprès chauve (taxodum distichum)

 

ARTICLE 9 : L’ENFANT DOIT EN TOUTES CIRCONSTANCES ÊTRE PROTÉGÉ DE TOUTES FORMES DE VIOLENCES ET D’EXPLOITATIONS.

Un stylo bic multicolore nous signale l’emplacement du cyprès chauve. Lui aussi est bien adapté aux terrains humides. Son pays d’origine sont les marécages de l’embouchure du Mississippi. Les vieux arbres développent des pneumatophores, des sortes de racines poussant verticalement pour échapper à l’asphyxie par l’eau. Le jardin des plantes du Mans en héberge un magnifique exemplaire. L’autre curiosité de cette espèce est le fait que ses aiguilles tombent avant l’hiver bien qu’il soit un conifère. Le sol sera alors rouge d’aiguilles. Ce spectacle est à admirer aussi au parc de la Roseraie à Rouillon où un grand nombre a été planté près des bassins de rétention.

L’alisier torminal (sorbus terminalis)

Ce dixième et dernier arbre est encore tout petit et invisible sur ma photo, car il a  déjà perdu toutes ses feuilles. J’ai vérifié, les bourgeons sont bien en place pour rebondir au printemps. L’alisier torminal est originaire d’Europe, de l’Asie Mineure et d’Afrique du Nord. Il est de la famille des Rosacées ; ses fleurs blanches sont regroupées en grappes et suivies de fruits bruns qui seraient comestibles. Mais nous les laissons volontiers aux oiseaux. Son bois est bicolore, plus foncé vers le milieu du tronc, blanc sous l’écorce, ce qui le rend intéressant pour les ébénistes. Sa feuille ne ressemble à aucune autre : plusieurs paires de lobes pointus se succèdent d’une manière pyramidale. L’arbre est plutôt rare. Il y a plusieurs spécimens dans le petit bois de Gazonfier pour ceux qui aiment bien faire des découvertes lors de leurs balades.

 Bien sûr, mes petits textes anecdotiques sur ces huit espèces ne sont qu’une invitation pour approfondir vos connaissances et surtout pour ne pas oublier la défense des Droits de l’Enfant pour que la paix puisse régner un jour dans le monde.

La ronde de la paix

 

SOLUTION DE LA DEVINETTE 59

Il s’agissait comme certains d’entre vous me l’ont communiqué (merci) du Sisyrinchum striatum à feuilles d’iris. C’est un genre très répandu en Amérique. (100 espèces)

Je ne donne pas de nouvelle devinette aujourd’hui. Après 60 grandes chroniques, j’ai l’intention d’inventer un genre de textes plus courts, plus légers, la découverte sur un végétal qui a attiré mon attention. C’est ici la fin des textes sur les parcs et espaces verts du Mans. Je cherche à les réunir dans un livre pour faire une sorte de guide des parcs du Mans. Si vous connaissez des éditeurs qui pourraient être intéressés, faites-le-moi savoir. En tout cas, j’ai eu beaucoup de plaisir pendant ces longues années à décrire notre nature en ville.        

 
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